Sahar et Malakhi
Par lilibellule le mercredi 1 juin 2016, 06:56 - Du grain sur le toit - Lien permanent
Voulez-vous un conte ? Le meilleur, je l’ai préparé pour vous …
-Malakhi, dit Sahar à son p’tit mari, demain c’est fête,
Nous aurons autour de la table notre famille adorée au complet :
Pépère, Mémère, ce cher Elias,Tantine et ta jeune et jolie frangine.
Va au marché et achète, achète, ce qui est bon pour le palais.
Au milieu des étalages, choisis le meilleur.
Malakhi va, se demandant ce qui est le meilleur, l’a-t-il su un jour ?
Lorsqu’il arrive devant les étalages, tout lui semble parfumé, appétissant,
et par dix ou vingt fois lui viennent l’eau à la bouche et comme une flamme au fond des yeux.
Il ne sait choisir, c’en est presque un supplice. Alors il ferme les yeux et réfléchit :
Derrière ses paupières lui apparaissent de beaux melons, aussitôt c’est décidé !
-Je vais pour ma famille acheter des melons, ce doit être le meilleur.
Il s’approche du moustachu marchand, qui crie pour attirer les clients :
-Mes melons, qui veut mes melons, à humez, à soupeser, à goûter !
Mes melons, qui veut mes melons, sucrés comme le miel, le miel le meilleur ?
-Oh ! soupire Malakhi, en tournant les talons, je regrette, j’ai changé d’avis.
Le négociant en miel a observé la scène, il se frotte les mains.
-Je vous en prie, approchez, mon bon monsieur !
Mon miel est fin et savoureux, doré comme l’huile la plus pure.
Mais Malakhi le toise du regard :- Merci je vais voir ailleurs,
J’ai besoin d’huile puisque c’est meilleur. Bien meilleur !
Le marchand d’huile, avec sa chemise à carreaux, se trouvait à deux pas.
Il attrape les deux yeux de Malakhi et les plante bien en face des siens :
- Je vois que monsieur est connaisseur ! Grand et fin connaisseur !
Mon huile est irréprochable, fraîche et transparente comme l’eau de source …
Mais il n’a pas le temps de continuer, Malakhi s’est esquivé en douce.
- C’est Sahar qui va être contente, se répète-t-il sur le chemin,
Elle qui voulait le meilleur pour Pépère, Mémère, ce cher Elias, Tantine et la jeune et jolie frangine.
De loin son épouse l’aperçoit, elle avance vers lui.
Légèrement fatigué, Malakhi pose ses deux grands seaux d’eau fraîche,
Mais il doit vite tourner les talons et, bien trempé, décamper !
Depuis Malakhi trouve toute nourriture fade et insipide.
Sans cesse, il se lamente et se demande :- Mais alors, qu’est-ce que le meilleur ?
Fallait-il prendre les melons, préférer le miel ou l’huile ?
Dénicher une autre nourriture plus exquise ?
Qui m’apprendra ce qui est le meilleur ?
Lily Framboise, Adaptation personnelle d’après un conte Israëlien.
Dans l’original, celui qui va au marché est un enfant. De même pour la version de Luda.
Pour ma part, j’ai préféré évoquer la psychologie du couple …
Deux mosaïques byzantines du Ve siècle- Tabgha (Galilée)
Qu’est-ce que le meilleur ?
Commentaires
Le meilleur est à venir...
Très joli. Chaque conteur(se) sa manière de conter l'histoire c'est comme ça qu'elles continues à vivre les histoires.
si j'ai bien compris, à vouloir toujours le meilleur , on ne profite de rien, on laisse échapper ce qui se présente à nous et qui est tout simplement bon
Le meilleur c'est peut-être aujourd'hui et juste là, à portée de la main...
Je viens d'achever la lecture du Retour au pays de Jossel Wassermann, d'Edgar Hilosenrath.
« Un froid glacial s'est abattu sur le village de Pohodna. Les habitants juifs su shetl ont reçu l'ordre de rejoindre le wagon qui les attend à la gare. À l'intérieur, oubliant l'obscurité et la crainte, le rabbin confie à l'esprit du vent : "Les goys sont stupides. En ce moment ils pillent nos maisons [...] Mais ils ne savent pas que nous avons emporté le meilleur." "Et c'est quoi le meilleur ?" demande le vent. Et le rabbin de répondre : "Notre histoire. Elle, nous l'avons emportée avec nous." »
Un joli conte philosophique!
Je crois, comme kgire, que le meilleur n'est pas ce qu'on désire mais ce qu'on a.
Merci, un beso!
les contes proposent souvent des questionnements auxquels il ne se peut répondre que par un autre conte ou une tranche de vie, ils fuient tout dogmatisme !