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Chien blanc

, 08:00 - Lien permanent

Trouvaille dans une boîte à livres. Il est abîmé, mais je sais que ce livre est considéré comme un chef-d’œuvre, d'ailleurs j'ai déjà lu et apprécié trois romans de cet auteur. Alors je me lance dans sa lecture.

527345515_2255637214874315_9199272502478641471_n.jpg, août 2025

 

Nous sommes début février 1968. Romain Gary, longtemps ambassadeur français à Los Angeles, a rejoint sa très jeune femme, Jean Seberg, qui tourne un film à Hollywood. Un jour, leur chienne revient d'une fugue avec un berger allemand, tout ce qu'il y a de plus affectueux. Gary, amoureux des bêtes, décide après plusieurs jours de garder celui qu'il a appelé Batka, mais il s'aperçoit rapidement que son nouveau protégé est un "chien blanc", c'est-à-dire un chien dressé dans le Sud pour attaquer les noirs, d'abord les esclaves fuyards, puis les gangsters et les manifestants afro-américains. Refusant de l'euthanasier, il le confie à un employé noir dans un zoo qui promet de le rééduquer et montre rapidement des résultats assez satisfaisants. Jean Seberg, l'épouse, actrice déjà adulée, reçoit dans le salon du couple beaucoup d'activistes pour la défense des droits civiques des noirs. Profitant de son aura, elle signe beaucoup de chèques, est liée d'assez près à des membres des Black panthers, consacre beaucoup d'énergie à la défense de leur cause, situation irritante pour Romain Gary qui voit derrière le décor, à la fois le racisme anti-blanc qui amène ces individus à soutirer l'argent des blancs et le besoin des stars de se tailler une réputation altruiste et généreuse.

En avril de cette année-là, Martin Luther King est assassiné, évènement qui provoque, selon Gary, beaucoup de réactions hypocrites. En mai, il vient faire un tour à Paris, humer l'air autour des barricades. Les noirs-américains qu'il rencontre ne comprennent pas les révoltes de la jeunesse française qui n'est pas vraiment concerné par Le problème du racisme, ou du moins, pas au même degré. Gary, qui pour sa part héberge un couple de couleur attendant un enfant, en vient à dénoncer la bêtise humaine et la société de consommation qui pervertit les relations entre les individus. La partie animale, en chacun de nous, possède finalement plus de bonté et de réserve de tendresse que les humains que nous sommes devenus. Mais, cet homme qui a vécu sur tous les continents (ou presque), qui a côtoyé grands et petits, refuse de désespérer. Il croit que la rééducation est possible...

Mon avis : Une fois ou deux, j'ai failli abandonner le récit, parfois complexe - tant l'histoire nord-américaine peut l'être, tout autant que Mai 68 en France - mais je suis très heureuse d'être allée au bout. Gary, personnage exigeant, se livre avec finesse, en approfondissant les thèmes abordés et leurs répercussions psychologiques, le tout dans un style tour à tour ironique, désabusé et attachant. Petit bémol : cet homme, critique face à la société de consommation, possédait un appartement avec piscine, à Beverly Hill, un autre à Paris, une maison en Espagne et il prenait l'avion comme d'autres prendraient un ticket de manège ! Cependant, j'ai lu que c'était un bon diplomate, avec un esprit vraiment humaniste.

Extraits :

"Le seul endroit au monde où l'on peut rencontrer un homme digne de ce nom, c'est le regard d'un chien."

"Je me retiens. J'essaie, plutôt. Mais mon excité me regarde avec des tics nerveux, de véritables rictus de haine, et je vous dis, c'est contagieux : je commence à sentir de petits zigzags qui courent sur ma figure, on dirait que sa haine fait des vagues et que celles-ci ont sauté de son visage sur le mien. Nous restons là un moment en silence à nous renvoyer nos tics."

 

Commentaires

1. Le jeudi 7 août 2025, 09:45 par thé ache

Romain Gary qui fut aussi Émile Ajar, (je n'ai pas lu ce roman), je sais que les romans de cet écrivain sont tous très intéressants, la société US reste très problématique (vu les élections), le point de départ du livre me semble très pertinent car le dressage d'une bête (si elle inculque à un moment) peut être modifiée par la suite, en est il de même pour les gens ? ...

2. Le jeudi 7 août 2025, 11:19 par Sedna

Je connais cet auteur surtout pour avoir lu "la vie devant soi". J'aime beaucoup les extraits forts que tu retiens de ta lecture.

3. Le jeudi 7 août 2025, 23:16 par Mayalila

Un livre étonnant en effet, et dont tu nous décryptes bien le contenu. En effet je n'aurais pas eu ton courage pour le lire jusqu'au bout. En fait le chien serait là un prétexte pour aborder le problème du racisme, ou encore servirait de comparaison par la rééducation que l'on peut lui appliquer ? C'est assez complexe et tout ce qui touche les problèmes de société ou de vie contemporaine me hérisse un peu. Je cherche du rêve et me serais contentée de voir ce chien se "réhumaniser" ou tout simplement, se "resocialiser".

4. Le samedi 9 août 2025, 07:13 par Aifelle

J'ai eu envie de lire ce livre à sa sortie et puis je l'ai perdu de vue. Je n'ai pas lu Romain Gary depuis longtemps, j'aurais plaisir à retrouver sa plume maintenant, même si le thème et très dur ici.

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