La fraternité comme boussole
Ce n'est pas parce qu'on a vu "Hiver 54" que l'on connaît toutes les facettes de la riche personnalité du personnage public préféré des français pendant de nombreuses années. N'hésitez pas à aller voir le biopic consacré à l'Abbé Pierre : de quoi s'émouvoir, réfléchir et sortir (peut-être) de son cocon pour agir solidairement et fraternellement.

"L'Abbé Pierre - Une vie de combats", de Frédéric Tellier, avec Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot dans les rôles principaux.
Issu d'une famille de la bourgeoisie lyonnaise, Henri Grouès, né en 1912, souhaite consacrer sa vie à Dieu, aussi il entre chez les capucins de Crest (Drôme). Ses évanouissements et autres problèmes de santé poussent un supérieur à lui conseiller de quitter la vie monastique faite de privations. Mais rapidement vient la guerre où il est mobilisé comme sous-officier. Une scène terrible montre les coups de feu cinglant l'espace avec force bruit, pendant un temps interminable. Comment peut-on survivre à cela ? Son ami François, connu pendant ses années de scoutisme, n'y parviendra pas !
Résistant ensuite dans le Vercors, Henri prend des risques pour sauver des juifs et rencontre une femme, Lucie Coutaz, qui lui donne une nouvelle identité avec le nom d'"Abbé Pierre". La tête sur les épaules, Lucie devient sa fidèle collaboratrice et ils resteront très proches durant quatre décennies, fondant ensemble la communauté Emmaüs en 1949, suite à la rencontre de Georges, un ex-bagnard suicidaire. L'Abbé Pierre reste peu en place, il va partout où il pense que des humains en difficulté ont besoin de lui. Et il voyage aussi pour faire connaître son mouvement et ses idées sur la solidarité, le partage, l'amour du plus pauvre, quels que soit son passé, sa religion ou sa couleur de peau. Toujours en mouvement, il s'expose physiquement et c'est ainsi que l'on découvre qu'il réchappe miraculeusement d'un naufrage, qu'il guérit de l'excès d'amphétamines qu'il absorbait et même auparavant d'une pleurésie qui l'avait enfermé dix-huit mois à l'hôpital. C'est que cet homme a une vraie bonté intérieure, doublée d'une colère inextinguible face à toute injustice.
Elu député juste après la guerre, il ne mâche pas ses mots et tout son salaire part en aide à ceux qui sont dans le besoin. Il lui arrive même en douce de faire la manche, alors qu'il estime que ce n'est pas une attitude digne pour les pauvres ! Mais il refuse absolument les subventions d'où qu'elles viennent et même de faire fructifier son argent par les banquiers !
Je ne vous raconterai pas le glacial "hiver 54", car je pense qu'il est connu de la plupart, grâce au film du même nom. Juste dire que certaines colères sont saines et qu'elles peuvent avoir des effets très bénéfiques, ici le mouvement de solidarité sans précédent des parisiens pour pallier l'absence de logement ou aux logements insalubres de gens qui travaillent et qui ont des enfants à élever.
Des citées d'urgence sont édifiées dans de nombreux endroits. La bagarre y est proscrite, parce que chacun, chacune, y est accueilli(e) avec sa valeur, avec ses différences. On y fait même la fête en retrouvant la pêche pour chanter !
Jusqu'à son dernier souffle, l'Abbé Pierre, voûté sous son béret et sa célèbre cape et aidé de sa canne, regrette de ne pas en faire assez ! Il a parfois des doutes, car tout homme d'action qu'il est, il reste un "Castor méditatif", comme l'avait surnommé son copain scout. D'ailleurs ce dernier lui parle en rêve à un âge très avancé. Il lui dit : "... oui tu as échoué, tu n'as pas rendu l'homme meilleur, tu as fait mieux, tu l'as aimé".
Bien sûr, j'ai aimé la fougue de cet homme, ses coups de gueule, ses actions, sa ténacité, mais peut-être, surtout, sa simplicité, sa délicatesse, son amour du prochain qui sonne toujours juste. Benjamin Lavernhe est remarquable dans le rôle qu'il tient de bout en bout et Emmanuelle Bercot incarne une Lucie, très humaine, qui gagne beaucoup à être connue.
Au final, le film dure plus de deux heures, mais j'ai passé un excellent moment et j'avoue que je me sens travaillée de l'intérieur par "son message" que l'on peut résumer ainsi : "se faire proche de ceux qui ont besoin de notre fraternité, sans jugements et sans exceptions".

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Commentaires
sa vie n'a pas été vaine
cet homme est un exemple, il a été suivi et aidé ... mais quand je vois ce qui se passe en ce moment (des refus aux resto du coeur) je pense que son exemple et sa force n'ont pas été suivi ... il reste un exemple d'humanité ...
j'ai bien envie de voir ce film biopic... L'abbé Pierre est une référence pour toutes les générations.
Une vie incroyable au service des autres. Un homme bien humain acceptant ses faiblesses. Mais quelle force pour défendre les démunis. Le monde a besoin de gens comme lui !!
Bonjour Cathie Flore. L'abbé Pierre a su rester simple pour tenir la main des plus démunis et tenter d'améliorer leur dignité et leur quotidien, c'est un exemple pour tous. Chaque fois que je vais chez Emmaüs j'ai un douce pensée pour ce grand homme. Plus on parlera de son œuvre, plus on verra des graines de bienveillance fleurir. Merci à toi, belle soirée. brigitte
Découverte de cette femme qui a accompagné l'Abbé Pierre. Cela leur ajoute une belle part d'humanité. Hélas, il y a encore beaucoup de nécessiteux et les dons ne suffisent plus.
@ broutilleb : Oui, il a marqué les riches comme les pauvres, les incroyants comme les croyants. Mais j'entends, je lis, que les dons affluent moins que par le passé. Ou alors, il y a plus de besoins...
@ thé âche : Un homme qui a su se faire proche des exclus, tout en ne mâchant pas ses mots face aux responsables politiques et aux banquiers. Le film est à voir...
@ Sedna : Je l'ai trouvé passionnant. Nous devrions profiter de cette opportunité pour ouvrir les yeux et regarder autour de nous.
@ daniel : Ce que tu soulignes, l'acceptation des faiblesses est bien abordé dans le film. Ce n'était pas un surhomme, même s'il a vaincu bien des épreuves.
Nous sommes au XXI éme siècle, pourtant il y a de plus en plus de personnes qui vivent dans un grand dénuement dont beaucoup d'enfants.
L'abbé Pierre s'est révolté contre tant d'injustice, de manque de fraternité mais l'humain oublie trop souvent que les aléas de la vie peuvent précipiter sa chute dans la pauvreté.
Un grand homme qui devrait être un exemple pour tous.
@ Plumes d'Anges : Merci pour les graines de bienveillance que la bonté fait fleurir. Et la simplicité du fondateur d'Emmaüs est bien montrée dans le film ainsi que sa délicatesse envers sa "compagne" Lucie Cataz.
@ Maria : Oui, j'en parle dans la réponse ci-dessus. C'est un des points émouvants du film. Demain, il y a la collecte pour la Banque Alimentaire, j'y ai participé pendant plusieurs années. Demain ce sera mon mari.
@ balaline : Oui, le basculement dans la pauvreté peut se faire très rapidement, il ne faut pas l'oublier et porter des jugements. Le chômage est en partie responsable, mais il y a aussi les difficultés pour se loger et l'augmentation du coût de la vie. Merci de ton passage.