L'écoute, l'empathie
Récemment, m'arrive un appel d'un autre département avec un numéro absent de mon téléphone; méfiante, je raccroche. Cinq minutes plus tard, la personne récidive, alors je décroche enfin. C'est une cousine de ma mère, que je n'ai pas vue depuis plus de quarante ans, mais avec qui j'échange des vœux depuis plusieurs années et parfois un mail ou un coup de fil à l'occasion, à vrai dire surtout lorsqu'il y a un décès dans la famille.
Hartmann Schedel (1440–1514) 1493 "Panotii"
Cette femme commence à m'entretenir de l'état de santé médiocre de son mari qui impacte beaucoup sa vie quotidienne. Puis, elle en vient à l'objet de son appel, les relations avec des membres de sa fratrie, leur(e)s conjoint(e)s. On lui a dit "des choses", elle en souffre, veut comprendre et peut-être entendre de ma bouche des petites phrases assassines que l'un ou l'autre auraient pu prononcer, on ne sait jamais...
Je flaire le piège et décide de ne pas trop dévoiler certaines réparties effectivement entendues. Elles pourraient être interprétées avec démesure, faire plus de mal que de bien, et finalement s'avérer complétement inutiles.
Pourtant, je refuse également de lancer des propos qui couperaient court aux confidences de la cousine, du genre :
" C'est comme ça ! Tu ne la/le changeras pas. Laisse tomber."
Ou bien :"Dans ma famille, c'est exactement pareil. Je vais te raconter..."
Ou encore :"Les gens sont méchants. Protège-toi et reste à l'écart. Ils (elles) ne valent pas la peine que tu te fatigues pour eux."
J'essaie d'écouter la souffrance de cette femme et de ne pas la minimiser dans le but de passer plus rapidement à des sujets plus joyeux. Une fois ou deux, je lui dis que je la comprends. Je laisse place à quelques silences, pose des questions pas trop intrusives, pour garder le contact et parce que mon empathie est réelle et s'approfondit au fil de ses confidences.
Au bout de trois quart d'heure, A. me dit :"Je te remercie de m'avoir écoutée ! Ça m'a permis de me décharger un peu."
Au fond de moi, je lui suis également reconnaissante, car elle m'a permis de vivre une écoute active et empathique. Je vais penser à elle plus souvent et peut-être même irais-je la voir au printemps...
Le soir, je réalise que cet échange téléphonique a été la perle de ma journée. Il m'a décentrée de mes propres préoccupations et, finalement, malgré son caractère à priori tristounet, m'a apporté de la joie. Parce que tous/ toutes, à un moment ou un autre, on éprouve le besoin de "se décharger" en étant simplement écouté(e)s, sans jugements ni conseils.
* Les panotéens ou panotii, sont mentionnés dans les textes de l'Antiquité et font partie du folklore médiéval. On les disait vivant aux antipodes et pourvus de très longues oreilles.
Commentaires
bravo, je reconnais que je n'ai pas toujours le courage d'entendre, la rencontre directe est plus .... mais le téléphone c'est déjà bien, et c'est bon aussi de pouvoir se confier...
L'écoute, ça s'apprend, ça se travaille, il y a même des formations pour ça. Dans le quotidien, les sujets personnels sont généralement à éviter, sauf avec... des personnes empathiques, comme tu dis, mais elles sont assez rares. Les grandes g... sont plus fréquentes.
Oui, j'ai déjà remarqué qu'il n'est pas forcément nécessaire de parler, d'ailleurs on parle souvent plutôt de soi, et la personne a juste besoin de se sentir écoutée.
Écouter, avec respect et bienveillance est un beau challenge, que l'on peut réussir... parfois. D'autres fois, on abandonne et on change de conversation, parce que la personne tourne en boucle et se répète. J'admire les vrais écoutants. Merci pour ce récit-témoignage.
Bravo pour ton écoute attentive et je suis heureuse que tu aies apprécié l'échange. Personnellement je suis assez souvent prise pour confidente par une de mes amies qui parle sans arrêt pendant près d'une heure et qui me raconte tous ses malheurs. Je me contente de prononcer des mmm réguliers manière de dire que je suis toujours là et quand elle a fini, elle raccroche ! En général je reste pensive et plutôt frustrée de n'avoir pas pu placer un mot ! J'admire ta générosité et ta disponibilité.
bravo pour ton écoute, j'avoue que j'aurais peut-être mis fin plus tôt à la conversation. Cette bienveillance dont chacun parle, mettons là en œuvre chaque jour !
@ thé âche : se confier fait du bien, mais finalement écouter aussi. Cela nous décentre et nous ouvre l'esprit et le coeur.
@ Sépia : Choisir son interlocuteur pour se confier, cela va de soi. Pour écouter, parfois, je coupe court plus rapidement, selon l'empathie ressentie.
@ mimik : Tout à fait ! Une bonne écoute n'est pas forcément bavarde. C'est plus de compréhension que de conseils dont l'autre a besoin.
@ Coline : Merci de tes remarques. Oui, quand ça tourne en boucle, il devient nécessaire de tenter une sortie, ou un dérivatif. Pas de recette toute faite, mais l'écoute aide aussi l'écoutant qui se décentre et s'ouvre.
@ Phrasie : Je comprends que tu sois pensive et frustrée. C'est un art difficile que d'écouter et je ne me situe pas comme un modèle. Il faut "sentir" l'état d'esprit de la personne pour qu'elle se sente soulagée, sans forcément durer trop longtemps, car cela deviendrait éprouvant au lieu d'être bienfaisant pour les 2 protagonistes.
@ Sedna : Si j'ai laissé durer, c'est que de l'affection se cache derrière. Je sais que cette personne n'a pas toujours eu une vie facile et les conflits qu'elle évoque ne sont pas légers. La bienveillance et l'empathie ne doivent pas être des mots à la mode, mais des réalités vécues, à accueillir autant que possible.
L'empathie est souhaitable, aujourd'hui, envers tous ceux qui éprouvent le besoin d'être écoutés et ils sont nombreux. Mais, malheureusement, elle n'est pas possible avec tout le monde : il y a des personnes trop blessées qui auraient plus besoin d'un thérapeute ! Ceci dit, écouter selon nos capacités (et notre temps disponible) est bénéfique pour l'écouté et l'écoutant.
Savoir écouter sans porter de jugement, c'est tout un art, presque une thérapie !! Je suis sûr qu'après cette conversation, elle a du aller beaucoup mieux !!
@ Maria : Évidemment, on ne peut pas écouter longtemps certaines personnes trop blessées. Ce serait épuisant et pas forcément aidant. Mais écouter au quotidien ceux/celles qui ont des difficultés passagères s'avère bon pour le moral des uns comme des autres (écouté et écoutant).
@ daniel : Ne pas porter de jugement est parfois difficile, mais c'est essentiel, comme de ne pas donner de conseils à tout prix.
Encore une fois, j'aime beaucoup ton billet, Cathie. L'empathie, je la pratique le mieux que je peux. Certains jours, c'est moins facile car je suis fatiguée, ou tracassée par des soucis personnels, mais j'essaie d'être la plus à l'écoute possible. Par contre, il est vrai que certaines personnes aiment se plaindre, mais ne demandent jamais de mes nouvelles, des personnes un peu autocentrées, et j'avoue que je les évite parfois, surtout si elles se complaisent dans leurs plaintes, il faut aussi se protéger.
@ Françoise : Merci de ton appréciation. De mon côté, j'apprécie aussi les nuances que tu apportes : fatigue, soucis, difficultés importantes de la personne. Se protéger est indispensable. Tout en sachant que l'écoute fait aussi du bien à l'écoutant.