Souvenirs de glaïeuls
30 novembre ! Rôh, c'est le dernier jour pour évoquer cette vieille histoire, une Histoire de Jardin. Bientôt vingt-cinq ans que je l'ai écrite ! Émotion. De plus, le bouquet de Gustave mettra de la couleur dans la grisaille ambiante.
Gustave Caillebotte (1848–1894)
"Vase aux glaïeuls"
Mon père était un jardinier passionné et à l’esprit un peu fantasque.
Le printemps dernier, il acheta trois milles gros bulbes de glaïeuls. Avec son hâblerie et son sourire, il était persuadé de les vendre en fleurs coupées, aux villageois des bords de Charente.
- Trois milles bulbes… Quand même, c’est une quantité !…
- Bah ! répondait mon père, quatre milles, ça aurait été trop, mais deux milles, pas suffisant !
En août, de passage à la maison paternelle, j’ai vu les glaïeuls sommeiller dans leur bulbe, sous un hangar.
- Emportez-en donc quelques uns, dit ma mère, ce ne sera peut-être pas trop tard pour eux.
Mon mari a planté les glaïeuls. En septembre, ils ont fleuri, beaux comme j’en avais jamais vu, superbes jusqu’aux gelées de novembre.
Au cœur de l’hiver mon père est mort.
Avec la douceur du printemps, vient l’heure de remettre en terre les bulbes. Jamais je ne pourrai voir de glaïeuls sans éprouver de la tendresse à l’égard de celui qui m’a donné la vie. Tiens, ça me fait penser à quelqu’un. Vous aussi ?!…
Le renard disait au petit prince : «Tu as des cheveux couleur d’or, alors ce sera merveilleux quand tu m’auras apprivoisé! Le blé qui est doré me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé…»
Et moi j’aimerai la lumière caressant les glaïeuls dans mon jardin, de l’été, jusqu'aux gelées.
Commentaires
Les glaïeuls me font penser à mon anniversaire. Je suis du mois d'août et ce sont les fleurs qu'il y avait le plus dans le jardin de mes parents. Certaines fleurs sont rattachées à des souvenirs précis, indissociables de l'impact affectif comme ici. Bonne journée.
Je souffre en vous lisant de ne pas pouvoir avoir ce tendre souvenir d'aucuns... mais je vous comprends...
C'est beau tous ces Glaïeuls futurs qui portent en eux la mémoire et les forces de ton père dépassées, c'est triste aussi...
Mon père dépassé avait tenu à emmener tout son matériel de peintre amateur pour un séjour de 2 semaines en EHPAD afin que maman se repose. Il a passé 15 jours sans sortir de sa chambre sans peindre quoi que ce soit, attendant qu'on vienne "le reprendre". Je suis riche de centaines de croquis plus ou moins aboutis...
les glaïeuls : que de souvenirs d'abord accompagner la plantation, puis surveiller, et cueillir, et puis avec les ans devenir le jardinier...et se souvenir...
les souvenirs vivants au cœur de ceux que nous avons perdu..Mon beau-père avait planté plusieurs années de suite au jardin, des noyers sans succès.. Il est parti un jour d'aout et fin octobre, sa dernière plantation a donné les premières noix.. depuis, cet arbre nous offre chaque automne une belle récolte... à chaque fois que je ramasse ces fruits, j'ai une petite pensée pour lui.
Une belle histoire, bien racontée, pour nous rappeler ceux qui nous ont précédés. 3 000 glaïeuls... Ce n'est pas rien, tout de même !
Souvenirs, souvenirs.....C'est émouvant tous ces glaïeuls acheté par son papa!! J'ai un jardin mais je n'ai jamais planté de glaïeuls !!
Des bulbes fleuris jusqu'en novembre... Ce devait être de la belle qualité ! Et quelle joie de les voir fleurir dans le souvenir !
Quelle belle histoire de fleurs ! j'ai aussi dans ma mémoire les glaïeuls et les dahlias du jardin de mes grands parents. Chaque fois que je passe près des jardins familiaux de ma ville, je scrute attentivement les allées pour apercevoir en été les couleurs vives de ces extraordinaires hampes florales. Merci d'éclairer ainsi ces sombres journées d'hiver.
Le mot glaïeul signifie "épée". La fleur est alors synonyme de force, victoire et même fierté. C'est bien approprié pour un héritage paternel.
@ Aifelle : En août, les glaïeuls sont somptueux. Un beau bouquet d'anniversaire. Moi, en octobre, ce devait être les dahlias auxquels étaient ajoutées quelques roses. Bon WE.
@ broutilleb : J'accueille cette souffrance et te souhaite un bon WE. Merci de t'exprimer telle que tu es.
@ Francis : Merci pour cette belle histoire. Ton papa est vivant à travers ses oeuvres, même non finies. C'est touchant qu'il soit parti en Ehpad pour que ta maman puisse se reposer. Un homme au coeur généreux.
@ thé âche : L'enfant accompagne ses parents au jardin lorsque ceux-ci se montrent encourageants et patients. Il y a tant à voir, à sentir, à comprendre. Et puis arroser, surveiller les escargots, les limaces... Lorsque l'enfant devient jardinier à son tour, il éprouve de la gratitude pour tout ce qu'il a reçu sans s'en apercevoir.
@ Sedna : Une très belle histoire avec des arbres dont les fruits sont un régal. On peut en mettre dans de nombreuses préparations culinaires, en faire de l'huile ou du vin, ou les déguiser pour les fêtes de fin d'année. Pas plus de 4 par jour, disait ma grand-mère.
@ Coline : Merci d'apprécier. 3 000 glaïeuls... Oui, mon père avait la "folie des grandeurs", mais c'était sa passion, de cultiver et vendre au marché.
@ daniel : Merci pour l'émotion partagée. Le commentaire ci-dessus explique un peu. De plus, c'était de gros bulbes de qualité. Peut-être un jour en mettras-tu dans ton jardin. C'est tellement beau en terre ou dans un vase.
J'ai toujours connu des glaïeuls dans le jardin de mes parents , mélangés aux dahlias, aux zinnias et aux marguerites géantes. Une belle palette colorée.
Aujourd'hui les étés chauds et secs laissent plutôt place à la lavande et aux tournesols mais je garde précieusement les images de ces étés si parfumés.
Ce bouquet est splendide.
Toutes ces fleurs devaient être magnifiques. Quelle belle histoire d'amour.
Bonne soirée
@ Maria : Oui, c'est étonnant, mais c'était de gros bulbes. Cela rend l'histoire encore plus incroyable et belle. Comme s'il avait fait un pari fou sur l'avenir, qu'il n'a pas pu tenir, mais qui a donné tout de même de la beauté pour les glaïeuls mis en terre.
@ Phrasie : Merci de rebondir avec tes propres souvenirs de fleurs, de couleurs et de parfums. Les fleurs avec une hampe ont un charme particulier, mais je crois qu'à force de fréquenter les jardins ont les aime toutes, avec malgré tout quelques préférences.
@ Sépia : Merci pour le langage des fleurs. je n'avais pas pensé à chercher. C'est un message fort. Quand ma fille aînée est née, c'était en juillet et l'on m'a offert un beau bouquet de glaïeuls. C'est un autre souvenir.
@ Balaline : Nous aussi, nous avions des grandes marguerites, des dahlias, des cannas, du fuchsia, des corètes du japon et d'autres (des lys par exemple). C'était une ferme isolée dans la campagne aussi nous avions de l'espace. Mais l'histoire dont je parle s'est déroulée autour de mes quarante ans. Mon père avait, à ce moment-là, la "folie des grandeurs" et ce "dérangement" peu avant sa mort, a éveillé après coup ma tendresse pour lui. C'est peut-être difficile à comprendre, mais c'est notre histoire à tous les deux.
@ Andrée : Merci pour ta sensibilité. Hélas, tous les bulbes de mon père n'ont pas été plantés. Il avait vu trop grand, mais c'est ça aussi qui le rend touchant à mes yeux. A bientôt.
Je comprend ! Mon père aimait les roses, les hortensias, et tant d'arbres et de fleurs !
@ marine D : Le mien aimait faire pousser et puis vendre sur les marchés, en blaguant avec le client. Merci de ton passage.
Une très jolie histoire qui me touche. Mon père ne jardinait pas, mais mon grand-père, son père, était jardinier chez une famille bourgeoise. Je n'ai pas connu ce dernier, j'aurais aimé, il devait être un homme très gentil. Mon père est mort quand j'avais 13 ans, je ne l'ai pas connu très longtemps. Par contre, mon beau-père, le père de mon mari, aimait jardiner, légumes et fleurs, il y avait d'ailleurs toujours de très beaux glaïeuls avec lesquels ma belle-mère faisait de beaux bouquets.
Un souvenir en réveille un autre...
@ Françoise : Merci pour ces échanges sur nos familles. Puisque c'est toi, je vais te confier qu'en fait je vivais avec mes grands-parents, en raison d'une nombreuse fratrie, entre autre. Mais j'ai quand même tissé du lien avec mes parents, à l'âge adulte. Et c'est peut-être pour ça que j'ai une tendresse particulière pour eux. Merci !