Bellini à Venise
J'ai une longue et belle histoire avec cette peinture.

Madone ou Vierge Contarini (1475-1480), Giovanni Bellini (vers 1430 –1516),
Galerie dell' Accademia. Venise.
Photo : Cathie Flore
En 2012, je lisais un article d'un journaliste, critique d'art dans un hebdomadaire culturel très connu et réputé. Cet homme expliquait qu'il avait eu comme un "coup de foudre" pour une Madonne béllinienne, dans une petite salle de la Accademia, à Venise, où elle était fort mal accrochée. Il aurait pu de toute évidence passer à côté du tableau, mais l'expression de la Vierge l'avait conquis. Plus rien n'avait d'importance, à cet instant pour lui. Ni les trésors de la célèbre Galerie, ni ceux de Venise et de ses palais ! Le seul désir de ce journaliste érudit se trouvait désormais dans la contemplation quotidienne de la Madonne, à laquelle Bellini avait donné des traits et une expression pleine de mystère. Quand l'heure de rentrer à Paris fut venue, notre critique d'art se mit en quête d'une reproduction de sa découverte dans de nombreux livres bien épais, mais la Madonne était introuvable ! Il n'y avait que lui, visiblement, qui avait été rejoint au plus profond du coeur. Que lui pour avoir envie de la contempler en silence le plus souvent possible. Et - selon lui - l'art, c'était cela, en dépit de tout ce que les éminents spécialistes peuvent penser et écrire. L'art, c'est une vibration, un appel intérieur à plus de vie et parfois même de plénitude.
Trois ans plus tard, après avoir consulté moi aussi de nombreux ouvrages, j'ai décidé d'aller à Venise POUR rencontrer la "Vierge à l'enfant bénissant" de Bellini, telle que l'ami journaliste l'avait décrite. J'ai fouillé les salles de la Galerie, mais je crois qu'elle n'était plus là !... J'ai trouvé celle-ci, dite parfois "Madonne Contarini" (du nom de celui qui en a fait don). Elle est belle avec sa joue appuyée sur la tête de l'Enfant bouclé, et ses mains entourant son corps nu pour bien montrer sa nature humaine sexuée, mais elle reste un peu lointaine pour moi. L'enfant bénit ceux qui passent et s'arrêtent pour le regarder un instant. Il se trouve les pieds posés sur le bord boisé d'une fenêtre (signe peut-être annonciateur de sa passion) et, derrière lui, nous pouvons distinguer un paysage avec des collines douces et, à gauche, la Tour de la ville de Vicense. Un admirateur, à côté de moi, m'a glissé : "C'est politique, ces paysages que l'on voit en arrière plan sur les peintures religieuses." Ah, bon, merci monsieur. Et ces nuages, sont-ils aussi politiques ou poétiques ?
En me relisant, je m'aperçois que voilà maintenant dix ans que le voyage s'est déroulé... Que le temps passe vite ! Même si les souvenirs demeurent.
Commentaires
il est quelques fois des images qui restent accrochées aux souvenirs ou au contraire des souvenirs qui accrochent des images, celles-ci amènent un ribambelle de circonstances qui restent à dénouer ou évoquer pour retracer comme un roman ces épisodes qui nous ont arrêtés un moment et qui restent en suspens quelques part ?
Une belle aventure, une belle quête... Et un monsieur qui s'emmêle dans les mots ! Il voulait sans doute dire "traditionnel" ou "conventionnel": on retrouve ce type de décor dans le tableau de La Joconde.
Un beau souvenir pictural. Je n'avais jamais entendu parler de Bellini. J'ai des lacunes à combler!
je ne comprends pas l'intervention de ce monsieur , il a dû se tromper de mot. des peintures, des lieux sont parfois présents dans notre inconscient.. je ne connais pas ce peintre...
Les fonds de tableaux représentant des portraits sont peut-être parfois politiques, mais ici, je pense que c'est plus pour donner de la profondeur à la Vierge et pour montrer l'habileté du maître à peindre des paysages naturels et urbains.
J'aime ce récit avec sa quête, qui aboutit sans aboutir. Il reste toujours une part de mystère dans l'interprétation des œuvres. Les paysages peuvent être politiques, dans le sens où le responsable d'une citée demande à ce qu'elle apparaisse dans un tableau pour renforcer sa puissance, auquel cas on suppose qu'il laisse une belle somme à l'artiste.
J'entends la belle histoire de la recherche de l'émotion, suite à une lecture. Pour autant, cette madone me paraît dans le retrait et même la peur. On dirait presque qu'elle tire l'enfant en arrière, au lieu de l'offrir aux regards et au monde. Le paysage derrière a certainement un sens caché, mais c'était la coutume à cette époque.
votre vie est passion
Cette Madone n'a pas pas l'air tranquille...