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Dans la guerre

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Jules Chabredoux, vit sur les terres familiales dans les Landes avec Félicité, sa femme, Antoine, leurs fils de deux ans, et Julia, la mère Chabredoux, fière et sèche. Il y a aussi petit Louis, le jeune frère de Jules âgé de dix-sept ans. Nous sommes en août 1914 et Jules doit laisser ceux qu'il aime pour partir faire la guerre dans l'est. Tristement, il quitte également "Prince", un magnifique colley qu'il a patiemment dressé. A partir de là, nous sommes témoins, alternativement, des évènements sur le front et de l'ambiance à la maison où Félicité, suite à une dernière étreinte avec son mari, se trouve enceinte, mais s'occupe vaillamment des vaches et des canards.

P1100497.JPG, mai 2025

 

Mon avis : L'auteure analyse finement les sentiments des soldats et de la famille restée à l'arrière, dans une écriture compacte, ciselée, qui nous happe littéralement. Mais bientôt un fait remarquable survient, Prince, le colley, s'enfuit pour rejoindre son maître. Arrivé sur le front, il va vite devenir l'ami, le confident, du régiment qui entoure Jules. Plus encore, en raison de ses exceptionnelles qualités d'écoute, de flair, de rapidité, de souplesse, de dévouement, il sera enrôlé comme chien-soldat, accomplissant de multiples tâches impossibles aux humains. J'avoue que cet aspect du roman est celui qui, par sa douce puissance, m'a aidée à suivre jusqu'au bout ce récit de 480 pages (format étroit).

Pourtant, je me suis arrêtée plusieurs fois, car nous ne sortons pas indemnes de la vision de ce que fut ce carnage. L'incompétence des généraux, les ordres pour aller massivement se faire tuer, l'agonie des hommes et des chevaux qui ne meurent pas sur le coup, la souffrance des populations civiles, sur place, les dégâts fait à la terre, aux forêts, les questionnements des soldats sur le sens, ou l'absence de sens, de cette épreuve infinie, tout cela nous est conté avec justesse et grande humanité. Nous rions aux traits d'humeur et d'esprit de l'ami Brêle, nous tremblons avec Joseph, le bleuet, nous doutons avec Jean Bourgeois, le lieutenant, nous sommes là, bien présents, avec Dieuleveut, le curé, avec Jules, l'homme simple et bon, qui tentent d'apporter leur soutien à leurs compagnons plus fragiles. Ce livre est vraiment un gros coup de cœur... malgré ma sensibilité. Plusieurs fois, j'ai éprouvé de la gratitude pour l'auteur (Alice Ferney), dont le talent a su m'emmener si loin dans l'exploration du meilleur côtoyant le pire.

A l'issue de cette lecture, j'ai le désir d'approfondir le sujet en lisant d'autres livres dans le même esprit, ce qui, à mon sens, est signe que Alice Ferney a su faire œuvre d'ouverture en moi, au lieu de me plonger dans un profond dégoût et dans le rejet,des attitudes peu compatibles avec le désir de comprendre le monde. Et en 2025, je pense qu'il y a urgence à mener cette réflexion.

Un extrait : "Chacun était rendu à lui-même, à la solitude absolue de sa vie qui n'appartient qu'à lui. Chacun se trouvait seul enfermé dans sa peau vulnérable. La blessure d'un autre n'était jamais la vôtre, qui ne serait pas celle d'un autre. S'ils en partageaient la perspective, ils ne prendraient part qu'à leur propre mort.
Le régiment de Jules avait fait de longues marches, Prince les refaisait à son tour... Des traces invisibles lui marquaient le chemin, mille empreintes et effluves essaimés pour lui, ce texte que gravent les odeurs, et qui s'offre aux bêtes minutieuses, peut-être comme récompense de leur silence, ou bien de leur fidélité..." Alice Ferney, Éditions Actes Sud, 2003.

"Maudite soit la guerre !" ( Monument aux morts de Gentioux, dans la Creuse)

Commentaires

1. Le mardi 13 mai 2025, 09:43 par thé ache

les guerres et surtout la première ont boulversé tant de gens, les chiens eux aussi ont subi et ils ne comprennent pas toujours ce qui sen passe, revenir sur ces aspects peut être très interessant aujourd'hui, le livre me fait penser à celui de Jean-Christophe Ruffin intitulé "le collier rouge" (un film en a été tiré), avoir le sentiment d'une autrice peut être très interessant ?...

2. Le mardi 13 mai 2025, 14:49 par Plumes d'Anges

Oui, maudites soient les guerres !!!
Tu parles très bien de ce livre qui t'a touchée visiblement.
Mon grand-père maternel était jeune médecin sur le front de cette guerre. J'ai la correspondance échangée entre lui et sa fiancé qui deviendra sa femme donc ma grand mère, je pense que c'est cet amour qui l'a aidé et porté durant cette tragédie. Si encore les hommes tiraient les leçons du passé, mais non. Belle semaine à toi, à bientôt CathieFlore. brigitte

3. Le mardi 13 mai 2025, 14:50 par Sedna

Un résumé très motivant pour une lecture. La première guerre fut atroce mais toutes les guerres sont tellement cruelles et inutiles. Quand est ce que l'humain cessera de mettre son intelligence au profit de causes qui n'en sont pas

4. Le mercredi 14 mai 2025, 06:10 par Aifelle

J'ai lu pas mal de romans sur cette guerre, aussi durs les uns que les autres. Mais c'est en allant dans la région de Verdun que j'ai vraiment touché du doigt à quel point cette terre avait souffert et était durablement abimée. (j'allais à la recherche de la tombe d'un arrière grand-oncle, frère jumeau de mon grand-père).

5. Le mercredi 14 mai 2025, 08:14 par broutilleb

oui maudite soit la guerre... je choisis très souvent les livres édités par actes sud... jamais déçue

6. Le mercredi 14 mai 2025, 19:18 par Balaline

Les guerres, toutes les guerres et leurs horreurs, et leur renouvellement perpétuel et universel, à croire que c'est inscrit dans les gènes des hommes.
Et pourtant l'humain est capable de créer tant de belles choses !

7. Le jeudi 15 mai 2025, 16:11 par Maria

Il est important de se remémorer ce que furent les guerres et particulièrement les deux guerres mondiales du XXe siècles qui ont fait tant de morts et de destructions. La présence du chien dans ce livre doit contrebalancer les horreurs, et c'est tant mieux.

8. Le vendredi 16 mai 2025, 10:20 par Coline

Un livre qui semble intéressant sur un sujet qu'on ne peut esquiver. C'est bien qu'une femme écrive sur ce thème après les Roland Dorgelès, Erich Maria Remarque et les autres...

9. Le vendredi 16 mai 2025, 10:53 par daniel

Je hais la guerre. Je trouve cela tellement absurde. Peut être qu'un jour l'homme comprendra qu'il est plus utile de construire que de détruire. Il y a tellement à faire sur cette terre!

10. Le vendredi 16 mai 2025, 13:52 par Sépia

La Première Guerre Mondiale a été une atrocité, une boucherie, qui aurait certainement pu être évitée ! Toute une génération sacrifiée, et pas simplement les hommes, mais aussi les femmes qui ont dû assumer un double, voire un triple emploi, s'occuper des enfants, des parents vieillissants, travailler les terres ou dans l'industrie. Un film d'après l'oeuvre de Ernest Perochon "Les gardiennes" montre bien cela. Le livre dont tu parles semble original par la présence du colley. Les animaux valent parfois mieux que les humains... Triste à dire !

11. Le vendredi 16 mai 2025, 18:45 par Mayalila

Remarquable analyse de ce livre qui semble très dense et d'une grande profondeur, avec en prime cette belle histoire de chien qui touche inévitablement le cœur du lecteur. Encore une auteure de grand talent !

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