Vivre ses émotions, un chemin

Bien sûr, je ne savais pas nager, mais Jacqueline ma marraine avait laissé entendre que ce serait bien que je puisse me familiariser avec l’eau et, ce jour-là, François (un peu plus âgé que moi), avait vomi et ne souhaitait pas y aller, libérant ainsi une place dans la voiture.
J’avais un maillot de bain, mais n’avais jamais fait autre chose que trempette dans l’eau, sur les bords de l'Atlantique…
Mémé Alice, tout de suite, trouva la solution au problème. J’allais apprendre à nager avec l’ainé de mes cousins. Alain était habitué, il avait pris des cours au moment de ses études à Bordeaux et Alice lui faisait entièrement confiance. Il suffisait d’installer un tabouret à l'ombre des bambous et allongée dessus je n’aurais qu’à imiter les gestes qu’il me montrerait.

Un merveilleux soleil brillait ce jour-là dans la cour, chez Tata…
- Tu t’installes comme une grenouille, avec les mains jointes sous le menton, commença Alain.

- Comme si tu faisais ta prière, continua Alice.

- Oui, c’est ça, rigola Alain. Ta prière ! Ensuite, tu écartes les genoux, mais tu rapproches tes pieds, comme une belle grenouille. Voilà, c’est la position de départ… Pour avancer, tu tends les bras et les jambes rapidement. Cela fait un Y à l'envers. Ensuite, tu tournes tes mains, tu les écartes en même temps que tes jambes - ça fait un I, bien droit - tu leur fais faire un grand cercle de chaque côté et tu ramènes les bras et les jambes, comme au départ, en position de grenouille… Recommence et essaie de retenir “Grenouille, Y, I, grenouille, Y, I…” Bon, il faut tendre davantage tes bras et tes jambes et ne pas garder les doigts écartés. Recommence et prend ton temps, il faut rester un peu sur le I. Et aussi lever la tête… Regarde devant toi et respire en même temps ! Grenouille, Y, I… Si tu penses bien à ce que tu fais et que tu ne vas pas trop vite, c’est assez simple, finalement.

Tu t’entraines un peu, toute seule, et après, on verra ensemble dans l’eau…

L’après-midi, nous nous sommes entassés à cinq dans la deux chevaux grise d’Alain et, sur les petites routes sinueuses, avons roulé jusqu’au Pontaroux, un hameau en pleine nature où la piscine entourée de verdure attirait le dimanche un bon nombre de familles et de jeunes.

Après la douche, nous nous sommes avancés vers les bassins et Alain m’a souri.

- Tu vas me donner la main et tu vas me suivre.

Essayant de ne pas trop réfléchir, je descendis les marches et lorsque mon ventre atteignit la surface de l’eau… Tu me suis, disait encore Alain… Mais, une grande respiration et, hop, je me lançais, tête la première, lâchant vigoureusement la main… Bloup, bloup !… Pôv’ petite grenouille, qui voulait faire ses Y, I, et qui sombra au fond de l’eau en roulant sur elle-même. “Je vais mourir” songeais-je. Mais dans le même temps mon corps, léger, remonta entre deux eaux et retrouva de l’énergie. Vite, essayer de trouver un endroit où s’accrocher. Vite ! Là, un pied ! Des deux mains, je m’accrochais de toutes mes forces et me laissais doucement remonter.

Enfin à l’air libre, je secoue vigoureusement la tête, ouvre les yeux et les plonge un instant dans deux petits lacs bleus et rieurs. Rôh !… “Excusez-moi Monsieur !” dis-je, confuse. L’homme au sourire bienveillant dit simplement avec humour : “C’est pas grave ! Je me suis juste demandé quel poisson m’avait attrapé le pied. Maintenant je suis rassuré !”

- C’est la première fois qu’elle vient à la piscine, ajoute mon cousin …

- Eh bien, je suis flatté qu’elle ait choisi mon pied, la preuve qu’il inspire confiance !!!