Rêveuse, Lily, balayait un après-midi la pièce lorsqu’un rayon de soleil est venu caresser l’aquarium posé au centre du buffet. Les trois poissons rouges continuaient silencieusement leur manège mais parfois la lumière s’accrochait sur les écailles de l’un ou de l’autre. C’était beau ! Lily se tenait debout devant ce réjouissant spectacle, le menton bien calé sur l’extrémité de son manche à balai. Et ses pensées se mirent à tourner avec les poissons, lentement, puis avec des petites secousses, parfois des voltes-faces  et à nouveau sur des cercles lents et interminables.

” A quoi ça sert des poissons qui tournent sans arrêt dans un bocal ? se demandait-elle. C’est joli quand il y a de la lumière, c’est tout !”…


Splach !

A ce moment-là, son ventre et ses jambes furent brutalement aspergés d’eau. Le balai qui n’aimait guère les questions métaphysiques venait de rappeler sa présence et le fait qu’il n’était pas encore question pour lui d’être un simple bâton de berger sur lequel on peut s’appuyer en rêvant doucement. Il était allé fracasser subitement le bel aquarium nimbé de lumière et avait envoyé deux poissons se pâmer au sol tandis que le troisième tout étourdi essayait de ne pas suffoquer dans la petite flaque encombrée de bris de verre qui lui restait au fond.

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“Les poissons rouges” Thomas Benjamin Kennington (1856- 1916)