Voici qu’il nous revient, du 08 au 23 mars 2014, le Printemps des Poètes. A la faveur de cette seizième édition, Jean-Pierre SIméon et son équipe souhaitent mettre en avant “le dialogue constant et fertile entre les poètes et leurs « alliés substantiels ». Ni au-dessus ni à côté, la poésie est au cœur de toute aventure artistique.”

Georges-Seurat-Cirque

Georges Seurat - “Cirque” 1890  Musée d’Orsay, Paris

Chant, danse, théâtre. Peinture, sculpture, gravure, photographie. Musique, cinéma, cirque, contes, humour, B.D … Pas un art où elle ne soit comme un levain dans la pâte.

Formé au mime par l’école Marcel Marceau et au théâtre par Conservatoire d’Art dramatique de Lille (où il a obtenu un premier prix), Dominique Cagnard, auteur de nombreux recueils et anthologies poétiques, a toujours considéré la poésie comme une parole à lire en public. Il intervient, aujourd’hui, pour des lectures poétiques et des ateliers d’écriture en milieu scolaire et carcéral, avec des enfants psychotiques.

Je vous propose, comme il aime le pratiquer, de le lire à voix haute :

Enfant, j’ai cloué une étoile
à la lisière de mon lit.
Si j’ai vécu par tous les bouts,
dansé tous les silences,
usé la neige qui glisse sous mes pieds,
si j’ai pris tous les tournants de traverse,
le poème est mon funambule.
Je m’invente un cirque avec mes mirages,
une musique mariée aux sources du vent
Nus dans leurs pyjamas,
les mots à chausson
s’avancent à pas feutrés

Dominique Cagnard

Inédit, extrait du “Mimenmot”
Édition 2014 du Printemps des Poètes “Au coeur des arts”

Funambule

Funambule - Photo Wiros, Barcelone

Une passion clouée, dès l’enfance, à la lisière entre la vie et les rêves. J’aime cette image dynamique et pleine d’autorité; même si, évidemment, elle correspond à une relecture d’adulte. Quelle étoile avons nous harponnée, accrochée vaille que vaille au théâtre de notre enfance ?

Le poète, avec une certaine superbe, semble “électrisé” par son étoile. Elle le fait vivre intensément, danser les silences, user la neige sous ses pieds, prendre tous les tournants de traverse … A peine nous attardons-nous au “Si” placé juste devant ces merveilleuses traversées ! Alors, on découvre à mi-parcours son secret … sur un fil ! A mi-chemin entre son étoile et la réalité.

Cela ne vous rappelle-t-il pas le beau et étrange roman-fable “Neige”, paru en 1999, sous la plume de Maxence Fermine ?

“Il y a deux sortes de gens. Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent. Et il y a ceux qui ne font jamais rien d’autre que tenir en équilibre sur l’arête de la vie. Il y a les acteurs. Et il y a les funambules.” Maxence Fermine dans “Neige”

“En vérité, le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule. Écrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème, d’une oeuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie.” Idem

“Le plus difficile, pour le poète, c’est de rester  continuellement sur le fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe.”
Idem

Dominique Cagnard n’est-il pas Funambule du verbe, lorsqu’il avoue comme un gosse : “Nus dans leurs pyjamas/ les mots à chausson/ s’avancent à pas feutrés.” ? Le grand Rimbaud, en l’écoutant, lui aurait donné l’accolade fraternelle, sûr !