La soupe au caillou de Lily

L'enfance et la poésie, en liberté ...

La chasse aux canards (2)

14janvier2011

En janvier 2010, Robinson et Bigornette avaient adoré ce conte. Lily le publie à nouveau en pensant très fort à eux et, bien sûr, aux nouveaux blogueurs qui viennent goûter la soupe ici.

Conte, raconte ! … Plus je vous conterai, plus je vous mentirai. Plus je vous mentirai, plus je vous dirai vrai ! Vous savez bien que le conteur n’est pas payé pour vous dire la vérité … Place au conte !

Ma mère a mis au monde sept beaux en­fants, trois gar­çons et quatre filles. Notre frère Loui­son a quitté mo­men­ta­né­ment la mai­son et cherche d’autres ho­ri­zons. Pour fêter la nou­velle année avec mes deux autres frères et mes trois sœurs, on a dé­cidé d’aller à la chasse aux ca­nards. Mon frère ainé, Jos­se­lin, a pris un gros gour­din et Ar­naud, un simple ra­meau. Do­lo­rès a pris le balai de sa nièce (elle a plein de nièces, Do­lo­rès). San­drine et Pau­line, plu­tôt fines, ont pris une cou­leu­vrine ! Et moi, je n’en parle pas, j’avais pris des noix ! … Quand on a été assez près des ca­nards, sans être trop près, on a tous dit : “Un, deux, trois !” Et on a tous lancé ce qu’on avait dans les mains. Jos­se­lin a lancé beau­coup trop loin et Ar­naud beau­coup trop haut. Do­lo­rès avec le balai de sa nièce s’est tapée sur les fesses. San­drine et Pau­line n’étaient guère très fines avec leurs cou­leu­vrines. Quant à moi, je vous jure que je ne l’ai pas fait ex­près, avec une noix, j’ai visé tout juste l’œil d’un ca­nard et il est tombé, mort !

Dans les ro­seaux, il y avait trois barques. La pre­mière n’avait pas de bords, la deuxième était trouée et la troi­sième n’avait pas de fond. C’est celle-là qu’on a prise. On vou­lait se faire rôtir le ca­nard pour fêter la nou­velle année, mais on n’avait pas de feu. Alors vous savez ce qu’ils ont fait ? … Ils se sont tous ap­pro­chés de moi et ils m’ont tapée, tapée très fort, jusqu’à ce que j’en vois trente-six chan­delles ! C’est comme ça qu’on a pu faire du feu. Quand le ca­nard a été bien rôti, bien mangé, on s’est tous mis à lé­cher les os, bien soi­gneu­se­ment, bien pro­pre­ment. C’était pour qu’Ar­naud puisse se faire des sif­flets. Quand il a eu creusé-vidé-ter­miné, il en a es­sayé un. Aus­si­tôt une mul­ti­tude, tout un trou­peau de la­pins est ar­rivé et ils se sont assis sur leurs pe­tits der­rières. Cu­rieux, Ar­naud les a compté, il y en avait … cent ! Étonné, Jos­se­lin a re­compté, il y en avait … cent ! Ad­mi­ra­tive, Do­lo­rès a compté à nou­veau, il y en avait … cent ! Joueuses, San­drine et Pau­line ont vé­ri­fié, il y en avait … cent ! Moi j’étais trop fa­ti­guée, je n’ai rien compté.

À ce mo­ment-là, on s’est dit que l’es­to­mac bien plein, avec un bon feu pour nous chauf­fer et tous ces pe­tits la­pins, assis en rond sur leur der­rière à nous re­gar­der, on n’avait plus qu’à ra­con­ter des his­toires. Jos­se­lin en avait plein, avec des dia­blo­tins et des lu­tins ma­lins. Ar­naud a puisé gé­né­reu­se­ment dans son grand ton­neau. Do­lo­rès comme d’ha­bi­tude a parlé de la mort. San­drine a chanté des chan­sons d’amour et Pau­line a conté avec sa­gesse et phi­lo­so­phie, bien que par­fois elle soit un peu co­quine. Moi, je ne pen­sais à rien, je ne di­sais rien… Alors, à nou­veau, tous, ils se sont ap­pro­chés de moi et ils m’ont tapé des­sus très fort. C’est comme ça que je suis tom­bée à l’eau ! Bloup ! … Bloup ! …

Pas de chance, c’est celui qui tombe à l’eau qui doit rap­por­ter un sac plein de contes, venus du fond du lac, mais aussi d’au-delà des mers, des mon­tagnes ou des fo­rêts. De­puis cette nuit-là, j’en ai donc cher­chés, trou­vés, ra­con­tés … Dans la mar­mite de cette soupe, je conti­nue­rai d’en dé­po­ser, de temps en temps. Es­pé­rant qu’ils aient bon gout à votre pa­lais.

Conte, ra­conte ! … J’ai, bien sûr, puisé des élé­ments dans la tra­di­tion des contes de men­te­ries, pour cette fa­meuse “Chasse aux ca­nards”; ce­pen­dant mes “frères et sœurs” re­pré­sentent des conteurs en chair et en os avec qui j’ai pro­mené le “Sac à Contes” pen­dant sept belles an­nées. Merci aux “Conteurs Bleus” pour tout ce qu’ils m’ont ap­porté en conte et en hu­ma­nité. Et merci à Bi­gor­nette pour sa bien jolie barque !

Billet posté dans Contes - Lien permanent

Commentaires

Le vendredi 14 janvier 2011, 10:44 par arabelle

Joli conte!

Le vendredi 14 janvier 2011, 13:47 par Oxygène

C’est gentil de rendre un hommage à notre amie Bigornette et à son regretté Robinson.
J’ai beaucoup aimé les jeux de rimes au coeur de ce conte…
Tu sembles avoir l’inspiration facile… Quelle chance d’avoir un tel talent. Un grand bravo à toi !

Le vendredi 14 janvier 2011, 14:07 par ZÉPHYR

Bonjour Lily,

Certes, le conte est souvent mensonge dans sa forme ; le temps, le lieu et les personnages en constituent l’imaginaire.

Mais une forme qui maquille joliment, subtilement le fond de la réalité de l’histoire.

Tout comme la musique, le conte est fait pour adoucir les mœurs, en vérité.

Le samedi 15 janvier 2011, 09:45 par La Dame des Crys

Voila un joli conte pour bien commencé le we…
Je te le souhaite très bon. A bientôt. bisous

Le dimanche 16 janvier 2011, 08:21 par gazou

un conte plein de menteries et de vérités, un conte traversé par un élan de vie qui nous soulève

Le dimanche 16 janvier 2011, 08:52 par Guislaine

Il y a toujours une part de vérité dans les contes…
J’en conclus qu’une fois de plus que c’est celui qui se vante le moins et qui n’ennuie pas les autres qui récolte toujours les problèmes…
Et plouf !…
Bisous Lily, bon dimanche !

Le lundi 17 janvier 2011, 06:31 par Guislaine

Pour répondre à ta question d’hier, disons que je tourne un peu en rond en cherchant ma place dans l’univers car peuplé de vilaines créatures qui donnent elles aussi des coups de bâton sur mon épaule déjà endolorie… Mais elles n’auront pas la peau de “superwoman” comme dit mon kiné ;)
Bisous ma Lily !

Le lundi 17 janvier 2011, 07:36 par gazou

voilà un conte joliment enlevé et plein de fantaisie

Le lundi 17 janvier 2011, 08:57 par Servanne

Qu’est-ce que c’est joli Lily !

J’aime tourner comme ça en barrique :) avec toi !

Conte-nous longtemps !

Bisous en mante … heu Ris !
rires