La chasse aux canards (2)
En janvier 2010, Robinson et Bigornette avaient adoré ce conte. Lily le publie à nouveau en pensant très fort à eux et, bien sûr, aux nouveaux blogueurs qui viennent goûter la soupe ici.
Conte, raconte ! … Plus je vous conterai, plus je vous mentirai. Plus je vous mentirai, plus je vous dirai vrai ! Vous savez bien que le conteur n’est pas payé pour vous dire la vérité … Place au conte !
Ma mère a mis au monde sept beaux enfants, trois garçons et quatre
filles. Notre frère Louison a quitté momentanément la maison et cherche
d’autres horizons. Pour fêter la nouvelle année avec mes deux autres
frères et mes trois sœurs, on a décidé d’aller à la chasse aux canards.
Mon frère ainé, Josselin, a pris un gros gourdin et Arnaud, un simple
rameau. Dolorès a pris le balai de sa nièce (elle a plein de nièces,
Dolorès). Sandrine et Pauline, plutôt fines, ont pris une couleuvrine !
Et moi, je n’en parle pas, j’avais pris des noix ! … Quand on a été
assez près des canards, sans être trop près, on a tous dit : “Un, deux,
trois !” Et on a tous lancé ce qu’on avait dans les mains. Josselin a
lancé beaucoup trop loin et Arnaud beaucoup trop haut. Dolorès avec le
balai de sa nièce s’est tapée sur les fesses. Sandrine et Pauline
n’étaient guère très fines avec leurs couleuvrines. Quant à moi, je
vous jure que je ne l’ai pas fait exprès, avec une noix, j’ai visé tout
juste l’œil d’un canard et il est tombé, mort !Dans les roseaux, il y avait trois barques. La première n’avait pas
de bords, la deuxième était trouée et la troisième n’avait pas de fond.
C’est celle-là qu’on a prise. On voulait se faire rôtir le canard pour
fêter la nouvelle année, mais on n’avait pas de feu. Alors vous savez
ce qu’ils ont fait ? … Ils se sont tous approchés de moi et ils m’ont
tapée, tapée très fort, jusqu’à ce que j’en vois trente-six chandelles
! C’est comme ça qu’on a pu faire du feu. Quand le canard a été bien
rôti, bien mangé, on s’est tous mis à lécher les os, bien
soigneusement, bien proprement. C’était pour qu’Arnaud puisse se faire
des sifflets. Quand il a eu creusé-vidé-terminé, il en a essayé un.
Aussitôt une multitude, tout un troupeau de lapins est arrivé et ils se
sont assis sur leurs petits derrières. Curieux, Arnaud les a compté, il
y en avait … cent ! Étonné, Josselin a recompté, il y en avait …
cent ! Admirative, Dolorès a compté à nouveau, il y en avait … cent !
Joueuses, Sandrine et Pauline ont vérifié, il y en avait … cent ! Moi
j’étais trop fatiguée, je n’ai rien compté.
À ce moment-là, on s’est dit que l’estomac bien plein, avec un bon
feu pour nous chauffer et tous ces petits lapins, assis en rond sur
leur derrière à nous regarder, on n’avait plus qu’à raconter des
histoires. Josselin en avait plein, avec des diablotins et des lutins
malins. Arnaud a puisé généreusement dans son grand tonneau. Dolorès
comme d’habitude a parlé de la mort. Sandrine a chanté des chansons
d’amour et Pauline a conté avec sagesse et philosophie, bien que
parfois elle soit un peu coquine. Moi, je ne pensais à rien, je ne
disais rien… Alors, à nouveau, tous, ils se sont approchés de moi et
ils m’ont tapé dessus très fort. C’est comme ça que je suis tombée à
l’eau ! Bloup ! … Bloup ! …
Pas de chance, c’est celui qui
tombe à
l’eau qui doit rapporter un sac plein de contes, venus du fond du lac,
mais aussi d’au-delà des mers, des montagnes ou des forêts. Depuis
cette nuit-là, j’en ai donc cherchés, trouvés, racontés … Dans la
marmite
de cette soupe, je continuerai d’en déposer, de temps en temps.
Espérant qu’ils
aient bon gout à votre palais.
Conte, raconte ! … J’ai, bien sûr, puisé des éléments dans la tradition des contes de menteries, pour cette fameuse “Chasse aux canards”; cependant mes “frères et sœurs” représentent des conteurs en chair et en os avec qui j’ai promené le “Sac à Contes” pendant sept belles années. Merci aux “Conteurs Bleus” pour tout ce qu’ils m’ont apporté en conte et en humanité. Et merci à Bigornette pour sa bien jolie barque !
Commentaires
Joli conte!
C’est gentil de rendre un hommage à notre amie Bigornette et à son regretté Robinson.
J’ai beaucoup aimé les jeux de rimes au coeur de ce conte…
Tu sembles avoir l’inspiration facile… Quelle chance d’avoir un tel talent. Un grand bravo à toi !
Bonjour Lily,
Certes, le conte est souvent mensonge dans sa forme ; le temps, le lieu et les personnages en constituent l’imaginaire.
Mais une forme qui maquille joliment, subtilement le fond de la réalité de l’histoire.
Tout comme la musique, le conte est fait pour adoucir les mœurs, en vérité.
Voila un joli conte pour bien commencé le we…
Je te le souhaite très bon. A bientôt. bisous
un conte plein de menteries et de vérités, un conte traversé par un élan de vie qui nous soulève
Il y a toujours une part de vérité dans les contes…
J’en conclus qu’une fois de plus que c’est celui qui se vante le moins et qui n’ennuie pas les autres qui récolte toujours les problèmes…
Et plouf !…
Bisous Lily, bon dimanche !
Pour répondre à ta question d’hier, disons que je tourne un peu en rond en cherchant ma place dans l’univers car peuplé de vilaines créatures qui donnent elles aussi des coups de bâton sur mon épaule déjà endolorie… Mais elles n’auront pas la peau de “superwoman” comme dit mon kiné ;)
Bisous ma Lily !
voilà un conte joliment enlevé et plein de fantaisie
Qu’est-ce que c’est joli Lily !
J’aime tourner comme ça en barrique :) avec toi !
Conte-nous longtemps !
Bisous en mante … heu Ris !
rires