La neige à Bois Mignon
“L’opération “Dis-moi dix mots” invite chaque année à découvrir dix mots choisis avec les partenaires francophones : la Belgique, la Suisse, le Québec et l’Organisation internationale de la Francophonie. En 2011-2012, le thème de l’expression personnelle est à l’honneur : “Dis-moi dix mots qui te racontent”. Dévoiler un sentiment, consentir un aveu, raconter une anecdote, faire part d’un rêve : la langue française est riche de ressources lexicales pour mettre en mots, son moi (et ses émois). “
Lily, ayant découvert chez Monique - de la Réunion - l’existence de cette opération a choisi de raconter un souvenir de neige en incluant les dix fameux mots; vous les reconnaîtrez à leurs caractères gras.
La neige, oui, encore la neige, a ce merveilleux pouvoir de réveiller les souvenirs de l’enfance.
Lily se souvient d’une belle poudreuse qui, durant l’hiver 1963 - elle venait d’avoir sept ans- avait recouvert tout son environnement familier à Bois Mignon.
Le paysage qui s’étalait devant la baie vitrée en était tout transformé. La mare aux canards avait gelé et le figuier comme le grand poirier étaient recouverts d’épaisses traînées de coton. Le pré, les champs et la vigne, qui s’échelonnaient en pente douce jusqu’à la route, étincelaient dans leur parure blanche un peu féerique. La vie elle-même avait perdu son fil quotidien pour basculer dans une sorte de songe éveillé. Qu’il était doux de pouvoir s’abandonner à son penchant naturel, à la rêverie debout derrière les larges vitres de la baie ! Observer rouges-gorges, moineaux, mésanges, pinsons ou corbeaux qui s’approchaient pour picorer la motte de margarine posée sur le rebord ou tombée à terre.
Lily aurait aimé à ce moment pouvoir se confier à une oreille bienveillante. Dire ce mélange d’admiration, de surprise, mais aussi d’ennui et de solitude. Cette tristesse, ce vague à l’âme.
Quand elle traversait “l’hangar au bois” pour aller chez Tata, la vie était bien différente, mais parfois elle arrivait trop tôt et plus souvent encore trop tard. Comme ce jour où ses cousins avaient fabriqué un gros bonhomme de neige dans leur cour, à côté du houx. En poussant de petits cris joyeux, ils installaient la boule pour la tête lorsqu’elle les a rejoints.
- Ah, vous avez fini ?
- Presque ! On n’est pas allé te chercher, c’est vrai … On croyait que ta Mémé t’avait prévenue, s’est excusée Camille, pendant que François cherchait sous le hangar un vieux balai et une carotte pour le “Patafouf” de neige.
- Bah, avait continué sa cousine, rien ne t’empêche d’en faire un dans la cour de ta Mémé !
Camille était dotée d’un caractère calme et n’aimait pas les problèmes. Lily n’avait pas la même histoire, elle pensait et agissait autrement, avec une sensibilité plus exacerbée.
Quelques jours plus tard, le car de transport scolaire ayant repris sa tournée, Camille était retournée en classe. Quant à François et Lily, plus jeunes, ils travaillaient chez Mémé Alice, à l’aide de cours par correspondance, sur le bureau installé en pleine lumière dans la baie. François était extrêmement studieux; Lily - qui n’avait que sept ans - était plus rêveuse.
En fin d’après-midi, tous les deux avaient leur petit rituel : ils sortaient pour guetter le retour du car. Cet engin moderne, nouveau, élancé, ils lui avaient affectueusement donné un nom, Carotte, et ils attendaient son passage durant de longues minutes, excités et envieux.
Avec l’hiver “Carotte” roulait tout illuminé, s’élevait sur les deux cents mètres de côte, comme une joyeuse flèche de fête foraine, avant de disparaître dans la nuit précoce. Ce soir-là, dans le scintillement des champs enneigés ce fut une magique et fascinante traînée qu’ils admirèrent en poussant des exclamations. “Oh, comme il est beau !”
- Oui, continua François, moi je le prendrai l’an prochain, mais toi, tu devras encore attendre un an !
Rôhh, attendre encore
Quand les autres partent et vivent
Morsure de l’enfance
Commentaires
Curieusement, j’ai ressorti hier soir un petit recueil des éditions Mille et une nuits : “Maudits”.
Dix mots empruntés aux titres de Raymond Queneau servent de matière à des exercices d’écriture à contrainte de l’Oulipo : dimanche, vol, campagne, exercer, bleu, chiendent, rude, mille, instant, courir.
merci pour la découverte de ce défit, que je viens de relever dans la foulée. A bientôt.
Bonjour Lily,
La neige rafraîchit notre mémoire,
Interpelle nos vieux souvenirs d’enfance.
Un monde de rêverie et d’insouciance.
Mais quel était ce penchant naturel de Lily ?
Souvent rêverie rime avec énigme.
Énigmatique, Zéphyr l’était aussi.
PS/ Fini les examens, les corrections. Vive la retraite paisible et sereine.
Jolie petite histoire surgie de la mémoire de l’enfance… et bien relevé, le défi des 10 mots. Moi, j’ai bûché là-dessus (ça ne m’est pas venu naturellement, vraiment pas)! Tu trouveras ce que j’ai pondu sur le blogue de Monique, dans les prochains jours probablement. Rien à voir avec le haïku, cependant.
Oui, la neige nous rappelle nos souvenirs d’enfance et tu nous les racontes bien…
Lorsque j’étais enfant, nous avions l’hbitude passé la soirée du 31 décembre chez des amis qui avait une maison. Il y avait souvent de la neige et j’adorais cela. Quand nous avons décidé de l’endroit où nous vivons aujourd’hui, j’étais heureuse car c’est proche de cette maison de mon enfance et les deux premiers Noël où il n’y a quasiment pas eu de neige j’étais toute déçue…
Depuis, la neige est souvent tombée et je dois dire que de devoir la déblayer devant chez nous en rentrant du travail est qqch que je n’avais pas prévu, qui ne faisait pas partie de mes souvenirs d’enfance et que je n’aime vraiment pas… Toutefois, quand on est bien au chaud à la maison, que la neige tombe et recouvre tout, c’est beau oui…. Et magique aussi….
Dans ton texte, j’ai retrouvé des sensations de mon enfance…
Je suis née en Alsace de parents non alsaciens, dans un Strasbourg d’après guerre très différent de celui d’aujourd’hui, sur les bords de l’Ill au pied de la cathédrale.
J’étais gardée par Joséphine une nourrice alsacienne d’une soixantaine d’années, elle ne parlait qu’alsacien et ça lui permettait de “ne pas comprendre” les consignes de ma mère. Elle “m’habillait comme une Princesse” et elle m’amenait chez ses copines tous jours à l’heure du café et des gâteaux. Hummmm!…odeurs mélangées de café, de tartes aux quetsches, de cannelle, de pain d’épice….
Et la neige dans tout ça ?? On y vient……
Pour la venue de mon petit frère né, ça ne s’invente pas, le jour de la saint Nicolas le 6 décembre, mes parents m’avaient confiée plusieurs jours à ma nounou qui m’a emmenée dans sa famille à Kaysersberg.
Dans les rues de cette charmante petite ville en décembre, de la neige, de la neige comme je n’en avais jamais vu, des petits murs de neige blanche sur les trottoirs.
Joséphine m’asseyait sur une petite luge pour me balader chez ses connaissances. C’était un plaisir indicible pour une petite citadine de trois ans et demi!!!! Cette neige immaculée tout autour qui habille le paysage, qu’elle sensation !
Et en plus, le soir elle me couchait dans un lit blanc qui avait un grooooos édredon de plumes. Un édredon dans lequel quand on vous lance dedans, la plume douce se referme sur vous et tout ça dans de gros éclats de rires.
J’ai vu beaucoup de neige depuis, mais jamais elle n’a pu provoquer un souvenir aussi vif.
Pauvre Lily ce n’ est pas toujours drôle quand on est un peu la petite dernière de la troupe de copains..!!
Joli challenge qui nous permet de découvrir de bien belles histoires…:-))
Belle nuit à toi Lily
Un souvenir joliment narré et une petite Lily qui donne envie de la connaître ! D’ailleurs je crois que même adulte l’enfant n’est pas loin, n’est-ce pas ? Ne changes rien j’adore ! “carotte” par rapport à la forme ou à la couleur ? Une idée issue d’un dessin animé ?
Ah, ah, les dessins animés, Lily ne connaissait pas ! Car, carotte ! Cela va de soi, non ? Un peu pour la forme aussi. Merci Masyl !