Les enfants adorent toutes les petites bêtes, volantes ou rampantes, qu'à la belle saison ils dénichent dans l'herbe, la terre, les interstices des écorces ou sous les pierres. Ils observent leur affairement, leur lenteur ou leur drôle de déplacement.
La bestiole est souvent riquiqui. Quel plaisir alors de la prendre dans sa main, de se laisser chatouiller, de rêver la garder pour soi et d'étonner en s'exclamant: "Regarde Maîtresse, ce que j'ai trouvé !" L'enfant a le sourire triomphant, parce qu'il se sent soudain puissant et pourtant il n'a pas envie de faire de mal à cette petite bête, juste envie de la garder pour lui le plus longtemps possible. Il sait que les maîtresses bien souvent ont perdu le goût de jouer avec, ou alors elles n'ont pas le temps, préoccupées par d'autres projets, importants. Mais il montre tout de même sa bestiole, parce qu'il est fier de la tenir dans ses mains, sans peur et sans dégoût, pour la déposer ensuite où il veut.

Lily se souvient à propos du hanneton, que son cousin, il y a plus de quarante ans, lui avait dit qu'il fallait le chatouiller avec une brindille pour le regarder s'envoler. En effet les élytres vernies s'écartaient et alors les ailes se dépliaient, fines et transparentes, pour un vol plutôt lourd, dû à son poids et des battements d'ailes lents. Mais le court instant de l'envol était joli. Quand le tonton voyait cela, il ne manquait pas de dire :"Saletés de bestioles !" Il n'aime rien de ce qui est rigolo, pensait Lily.

Mais aujourd'hui elle comprend un peu mieux. Elle a ressorti ses vieux livres du collège, qu'elle garde toujours à portée de mains, pour apprendre ou réapprendre ce qui s'est envolé dans l'air du temps. Elle a aussi cherché sur Internet. Elle a feuilleté des livres anciens et nouveaux. Tous, sauf les plus récents, "parlent" de "fléau pour les cultures". C'est surtout à cause de cette fameuse grosse larve en C, appelée "ver blanc". Elle mange les racines des céréales et des plantes potagères. Les adultes, eux,se nourrissent des feuilles des arbres et arbustes forestiers et fruitiers. Vous avez une très intéressante explication sur le site de Terre vivante, l'écologie au quotidien.

C'est pour cela qu'autrefois, on pratiquait le "hannetonnage" : On envoyait les écoliers ramasser des myriades de hannetons dans les vergers. Il y avait même des journées sans classe pour cela. Dans les cours de récréations, lorsque les gamins en attrapaient, ils les attachaient à une ficelle et les faisaient voltiger et tournoyer au-dessus d’eux. Les garçons aimaient, bien évidemment aussi, les jeter dans les cheveux des filles !!

Le chanteur Frédérik Mey raconte ses souvenirs de collectionneur, juste avant de chanter :

"Sur les feuilles de ma boîte de carton,
Il n'y a plus de hannetons."

"Les enfants, du moins chez moi, allaient au printemps, faire collection de hannetons. Je me souviens que j’en faisais moi-même dans une boite en carton, où il y avait des chaussures avant, je mettais des trous d’aérations et des feuilles à l’intérieur. Cela faisait 25 ans que je n’avais pas fait collection de hanneton et l’année passée j’ai essayé au mois de mai, de secouer un arbre, zéro, pas de hannetons. Je crois qu’ils sont devenus victimes des insecticides ou quelque chose comme ça." Frédérik Mey

Considéré jusqu’à il y a une vingtaine d’années, comme très nuisible à l’agriculture, l'insecte est ainsi devenu très rare aujourd’hui. Les insecticides chimiques et les outils rotatifs de travail du sol tuent sa larve, assez vulnérable. Pourtant de nombreuses espèces d’animaux se nourrissaient et même se régalaient, soit du hanneton adulte soit de sa larve : oiseaux (les pies, les étourneaux, les corbeaux, les alouettes), hérissons, rapaces nocturnes (les chouettes chevêches), mulots, taupes, couleuvres, grenouilles. Finalement, bien que vorace et dangereux pour toutes les cultures, il participait à un équilibre alimentaire dans la nature, qui a été rompu.

Alors quoi faire du gros vers blanc trouvé dans le tas de compost, avec ses deux compères ? Les tuer ou les laisser comme friandises aux bébettes bien-aimées du jardin ? Lily, elle n'a pas hésité. Illico, ils sont retournés sur le tas, où rapidement ils se sont enfouis. Et vous, qu'auriez-vous fait ? Robinson, si tu es revenu de vacances, ta réponse m'intéresse particulièrement, mais aussi celle de Steph, Florence et les autres ...