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Les nomades orientaux ne s'y étaient pas trompés qui honoraient, dès le XIIIe siècle, ces belles à calice comme ambassadrices du printemps.

Des pieds de la chaîne de l'Himalaya jusqu'au Turkménistan, elles poussaient libres et sauvages dans des régions qui, à partir du XVIe se trouvèrent sous domination ottomane, conquises par le turc Soliman le Magnifique. Sous forme de tributs, des bulbes arrivèrent à Constantinople et le sultan tomba littéralement sous le charme de ces fleurs. Il en fit formellement interdire le commerce et organisa à chaque printemps, au moment où la lune devenait pleine, des fêtes somptueuses : vases par centaines, coupes de nectars, robes de femmes se devaient d'évoquer la couleur ou la forme des tulipes.

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Très longtemps, ce joyau des contrées des Mille et une nuits, resta l'apanage des jardins de palais et l'emblème des sultans qui aimaient le tenir serré entre leurs doigts. D'ailleurs le nom tulipan viendrait du mot turban, en lien avec la disposition de ses pétales et cet amour jaloux.

Mais, plaque tournante du commerce, Constantinople attira de plus en plus d'étrangers qui convoitèrent cette fleur  si secrètement gardée. Bientôt elle devient la folie des jardins princiers Européens, le Roi Soleil la déclarant même fleur officielle de la Cour. Ce fut l'origine de la profusion de nouvelles variétés, toutes très appréciées.

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Au XVIIe siècle, les bourgeois hollandais, pris par une étrange passion, la "tulipomania", déboursèrent des sommes mirobolantes, extravagantes même, pour posséder de précieux bulbes. Convoitise de quelques commerçants avides de gros profits, vent de folie dans les esprits, les bulbes devinrent des marchandises échangées à prix d'or ! Jusqu'à ce que la frénésie s'effondre, engloutissant dans sa chute de prodigieuses fortunes … (Oh, constat bien amer du déroulement de l'Histoire, souvent tissé d'étranges passions qui renaissent régulièrement de leurs cendres, sous des formes différentes !)

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Le retour à un commerce "raisonnable" permit à cette jolie bulbeuse printanière, dont la production reste très majoritairement Néerlandaise, de s'enrichir d’innombrables croisements et d'arriver aujourd'hui Reine des Jardins durant presque deux mois, avant que n'éclosent les roses.

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En raison de son fabuleux passé - découvert l'été dernier au Parc Terra Botanica, qui vient à Pâques d'ouvrir à nouveau ses portes - cette fleur mérite bien quelques légendes et poèmes.
On racontait au XVIIe siècle  que, Tulipe, courtisée par Vertumne le dieu de l'automne et des changements de saisons, restait insensible à son amour. Pour la séduire, il revêtit des apparences aussi diverses que : rayon de soleil, brume, nuage, feuillage doré, tendre rosée, vent tourbillonnant …  Sans résultat ! Habillé en chasseur il  traqua la belle insensible jusque dans la forêt où, prisonnière d'un buisson d'épines, Tulipe implora la déesse Diane de la sauver … Elle fut alors transformée et la terre s'ouvrit  pour accueillir son bulbe jusqu'au printemps !
Vertumne, plein de compassion et c'est très touchant, décida de perpétuer ce geste chaque année.  Ainsi,  la  fleur sensuelle des sultans ottomans, pouvait être aussi parfois, belle insaisissable, symbole d'un amour impossible.

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Le jardinier divin a filé de ses doigts
Les rayons de soleil et la pourpre des rois
Pour me faire une robe à trame douce et fine.

Mais la nature, hélas ! n'a pas versé d'odeur
Dans mon calice fait comme un vase de Chine.

Théophile GAUTIER

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Une autre légende voudrait que là où quelqu'un meurt pour la liberté de son pays, une tulipe naîtrait à sa place.

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 En  mars 2005 le Kirghizistan vivait La Révolution dite des Tulipes.

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La tulipe

Fanfan, Marcelline et Philippe,
Nous étions une fine équipe,
Pipe en terre et tulipe en pot.
Tulipanpo, roi des nabots,
Nous a fait fumer la pipe,
Vive le pot de tulipe!

Robert Desnos, 1900-1945, mort en camp de concentration.
"30 Chantefleurs", Gründ - 1952