Le temps des tulipes
Des tulipes au jardin, un joyeux festival de couleurs démarrant parfois dès la mi-mars et se prolongeant jusqu'à l'Ascension !… Très répandues aujourd'hui, ces fleurs méritent que l'on s'attarde. En raison de leur diversité, mais aussi de leur histoire et de leur charme particulier.
Les nomades orientaux ne s'y étaient pas trompés qui honoraient, dès le XIIIe siècle, ces belles à calice comme ambassadrices du printemps.
Des pieds de la chaîne de l'Himalaya jusqu'au Turkménistan, elles poussaient libres et sauvages dans des régions qui, à partir du XVIe se trouvèrent sous domination ottomane, conquises par le turc Soliman le Magnifique. Sous forme de tributs, des bulbes arrivèrent à Constantinople et le sultan tomba littéralement sous le charme de ces fleurs. Il en fit formellement interdire le commerce et organisa à chaque printemps, au moment où la lune devenait pleine, des fêtes somptueuses : vases par centaines, coupes de nectars, robes de femmes se devaient d'évoquer la couleur ou la forme des tulipes.
Très longtemps, ce joyau des contrées des Mille et une nuits, resta l'apanage des jardins de palais et l'emblème des sultans qui aimaient le tenir serré entre leurs doigts. D'ailleurs le nom tulipan viendrait du mot turban, en lien avec la disposition de ses pétales et cet amour jaloux.
Mais, plaque tournante du commerce, Constantinople attira de plus en plus d'étrangers qui convoitèrent cette fleur si secrètement gardée. Bientôt elle devient la folie des jardins princiers Européens, le Roi Soleil la déclarant même fleur officielle de la Cour. Ce fut l'origine de la profusion de nouvelles variétés, toutes très appréciées.
Au XVIIe siècle, les bourgeois hollandais, pris par une étrange passion, la "tulipomania", déboursèrent des sommes mirobolantes, extravagantes même, pour posséder de précieux bulbes. Convoitise de quelques commerçants avides de gros profits, vent de folie dans les esprits, les bulbes devinrent des marchandises échangées à prix d'or ! Jusqu'à ce que la frénésie s'effondre, engloutissant dans sa chute de prodigieuses fortunes … (Oh, constat bien amer du déroulement de l'Histoire, souvent tissé d'étranges passions qui renaissent régulièrement de leurs cendres, sous des formes différentes !)
Le retour à un commerce "raisonnable" permit à cette jolie bulbeuse printanière, dont la production reste très majoritairement Néerlandaise, de s'enrichir d’innombrables croisements et d'arriver aujourd'hui Reine des Jardins durant presque deux mois, avant que n'éclosent les roses.
En raison de son fabuleux passé - découvert l'été dernier au Parc Terra Botanica, qui vient à Pâques d'ouvrir à nouveau ses portes - cette fleur mérite bien quelques légendes et poèmes.
On racontait au XVIIe siècle que, Tulipe, courtisée par Vertumne le dieu de l'automne et des changements de saisons, restait insensible à son amour. Pour la séduire, il revêtit des apparences aussi diverses que : rayon de soleil, brume, nuage, feuillage doré, tendre rosée, vent tourbillonnant … Sans résultat ! Habillé en chasseur il traqua la belle insensible jusque dans la forêt où, prisonnière d'un buisson d'épines, Tulipe implora la déesse Diane de la sauver … Elle fut alors transformée et la terre s'ouvrit pour accueillir son bulbe jusqu'au printemps !
Vertumne, plein de compassion et c'est très touchant, décida de perpétuer ce geste chaque année. Ainsi, la fleur sensuelle des sultans ottomans, pouvait être aussi parfois, belle insaisissable, symbole d'un amour impossible.
Le jardinier divin a filé de ses doigts
Les rayons de soleil et la pourpre des rois
Pour me faire une robe à trame douce et fine.
Mais la nature, hélas ! n'a pas versé d'odeur
Dans mon calice fait comme un vase de Chine.
Théophile GAUTIER
Une autre légende voudrait que là où quelqu'un meurt pour la liberté de son pays, une tulipe naîtrait à sa place.
En mars 2005 le Kirghizistan vivait La Révolution dite des Tulipes.
La tulipe
Fanfan, Marcelline et Philippe,
Nous étions une fine équipe,
Pipe en terre et tulipe en pot.
Tulipanpo, roi des nabots,
Nous a fait fumer la pipe,
Vive le pot de tulipe!
Robert Desnos, 1900-1945, mort en camp de concentration.
"30 Chantefleurs", Gründ - 1952
Commentaires
Une autre page de ce qui commence à ressembler à une chronique sur les fleurs ! Très joli - et instructif ! Voici mon caillou à moi pour assaisonner encore un peu ta soupe (un vieux haïku des miens qui dormait quelque part dans mes cartons)
depuis le trottoir
un homme au turban rouge
admire mes tulipes
(MTP)
Une soupe aux tulipes? Mais non…
La première légende m’enchante, le seconde, jamais lue ni entendue…ah, si elle était vraie!
Quel beau blog, je reviendrai m’y promener.
Bonjour Lily,
Contes et légendes,
Les fleurs émerveillent
Et la tulipe davantage :
“Ton postère lourd se tient ferme sur ta tige,
Et tu caches en ton centre l’ecchymose bleutée”
(Colette, Pour un herbier, Lausanne, Mermod, 1955 [1948], p. 40).
Après la rencontre d’une tulipe sauvage – espèce rare et protégée –, je m’étais documenté sur la tulipe.
Voici, pour épater les ami-e-s au moment du fromage*, ce que nous apprenait Jaume Saint-Hilaire (Plantes de la France, Paris, 1809) :
« Le nom de tulipe est d’origine turque ; Ménage dit que cette plante s’appelle en Turquie “tulibent”, à cause de la ressemblance qu’elle a avec la figure du “tulben”t, que nous appelons turban. En allemand, elle se nomme “Tulpe”. En hollandais “tulp”. En anglais “tulip”. En italien “tulipano”. En espagnol “tulipan”. En russe “tiulpan”. En tartare “karagatsch”.»
* Surtout si on a la chance d’avoir du Tartare sur le plateau.
J’ai oublié, cette année, de planter des bulbes et je le regrette.
C’est une de mes fleurs préférées en vase, car elle vit … elle prend des formes parfois étonnantes.
Pour la pivoine, en vase, ce qui me plait surtout c’est lorsque les pétales tombent !!!! d’un coup ;
bien amicalement - moi aussi, j’aimerais retourner à Venise et voyager encore, mais pour l’instant c’est Paris, dans la journée, mon évasion et c’est déjà bien.
bien amicalement
J’admire tes photos surtout les 2 après T. Gauthier. Une fleur que j’aime peindre car tout en rondeur et élancement. “Pour un herbier” livre précieux de Colette, que j’aime feuilleter et lire ça et là. Quelle diversité chez cette tulipe ! Jolies histoire et légendes ! Tes billets me font du bien les jours où je vois la vie en gris… Merci Lily pour ceci et aussi pour tes messages sur mon blog ! Je te souhaite un beau et doux weekend. Bises ensoleillées
Toutes ces tulipes sont magnifiques.
merci lily
Bonne soirée
Avec toi ” la leçon de choses ” est toujours un délice…
J’ aime beaucoup l’ image de la tulipe associée à la liberté…
Sa couleur pâle laisse apercevoir ainsi la vie en rose..
Bisous et joli dimanche à toi Lily
Très bel article
Je ne savais pas que la tulipe était associée à l’idée de liberté
Toujours aussi agréable de lire tes articles.
Dans notre vieux jardin les tulipes rouges
sont toujours fidèles au poste.
Maintenant j’attends la petite jaune.
Oui, quel beau blog !
Comme tu lippes bien Lily muguet de mai !
un bol de pensées pour toi !