Chez des copains, ils jouent avec des manettes, regardent des vidéos, des DVD, mangent des bonbons et se racontent des blagues en riant très fort. Ils vont aussi à la musique, au sport, à la danse et se préparent pour des compètes ou des galas. Parfois ils se rendent chez l'orthophoniste, l'orthodontiste ou le psy. Aux beaux jours, c'est un peu différent, les enfants envahissent les structures de jeux dans les parcs, ou s'ils sont plus âgés vont en bandes faire du skate, du VTT sur un terrain avec des bosses ou tenir quelques conciliabules en grattant un vieux mur décrépi. L'autre jour, c'est encore différent, un enfant de huit ans  lisait au micro "A la faveur de la nuit" de Robert Desnos, à côté du banc de la Liberté, pour le Printemps des Poètes.

  • Colette, dans La maison de Claudine publiée en 1922, racontait l'inquiétude de la mère :

La maison de Claudine«Où sont les enfants ? Elle surgissait, essoufflée par sa quête constante de mère-chienne trop tendre, tête levée et flairant le vent. Ses bras emmanchés de toile blanche disaient qu'elle venait de pétrir la pâte à galette, ou le pudding saucé d'un brûlant velours de rhum et de confitures. Un grand tablier bleu la ceignait si elle avait lavé la havanaise, et quelquefois elle agitait un étendard de papier jaune craquant, le papier de la boucherie ; c'est qu'elle espérait rassembler, en même temps que ses enfants égaillés, ses chattes vagabondes, affamées de viande crue …

Au cri traditionnel s'ajoutait, sur le même ton d'urgence et de supplication, le rappel de l'heure : "Quatre heures ! ils ne sont pas venus goûter ! Où sont les enfants ?…" "Six heures et demie ! Rentreront-ils dîner ? Où sont les enfants ?…" La jolie voix, et comme je pleurerais de plaisir à l'entendre… Notre seul péché, notre méfait unique était le silence, et une sorte d'évanouissement; miraculeux. Pour des desseins innocents, pour une liberté qu'on ne nous refusait pas, nous sautions la grille, quittions les chaussures, empruntant pour le retour une échelle inutile, le mur bas d'un voisin. Le flair subtil de la mère inquiète découvrait sur nous l'ail sauvage d'un ravin lointain ou la menthe des marais masqués d'herbe. La poche mouillée d'un des garçons cachait le caleçon qu'il avait emporté aux étangs fiévreux, et la "petite", fendue au genou, pelée au coude, saignait tranquillement sous des emplâtres de toiles d'araignée et de poivre moulu, liés d'herbes rubanées …

Colette."La maison de Claudine" Livre de poche

  • Soixante-dix-huit ans plus tard, à l'aube du XXIe siècle, Catherine Leblanc, poète, excellent auteur pour la jeunesse, se posait elle aussi la question :

Où sont les enfants ?

Dans un grenier
Plein d'or et d'araignées
Cachés dans leurs costumes
A déranger la lune

Dans un champ
Des heures entières
A regarder tourner les moulins blancs
Et à passer comme le lézard
De la pierre à l'éclair

Dans un arbre
Jeté dessus de l'orage
Ils lancent des lianes
Pour pêcher des torpilles

Où sont les enfants ?

Dans les rues
A marcher dans les feuilles, à brûler
Des feux rouges
A essayer d'user les murs
Avec leurs mains, leurs cris et leurs tatouages

Dans l'espace
Ils commencent un monde
Où sont les enfants ?
Ils sont loin devant

Catherine Leblanc
Poème extrait de Des étoiles sur les genoux, Le Farfadet bleu, 2000, édition Printemps des poètes 2000


Carnaval-enfants

"Dans l'espace/Ils commencent un monde/…/Ils sont loin devant"

Que pensez-vous de tout cela ?
Évocation du passé, évolution, fossé parfois …
L'avenir, leur avenir ?